Les noces clandestines

Claire-Lise Marguier

Le Rouergue

  • Conseillé par
    11 février 2013

    Il sait que Bonne-maman connaît ses dernières semaines. Pendant ce temps, il aménage une chambre au sous-sol. Une pièce cachée. Ce professeur d’histoire célibataire vit depuis toujours avec sa grand-mère qui l’a élevé. Après la mort de Bonne-maman, il devient obsédé par l’idée que la chambre rouge soit occupée. Seule une personne digne peut l’habiter, une personne parfaite à ses yeux. Quelqu’un vers qui il pourrait porter une adoration. Ses recherches sont vaines jusqu’à ce que le hasard s’en mêle. Il remarque un adolescent vivant dans la rue et sous prétexte d’un repas, il invite Joël. Le jeune garçon drogué le premier soir se réveille le lendemain dans la chambre rouge. Durant son sommeil, il a été lavé avec soin, contemplé avec un regard de dévotion. A son réveil, il ne cherche pas à s’enfuir.

    Ce livre n’est pas un énième récit sur un kidnapping. Ici, les rôles de victime et de bourreau se superposent, s’inversent dans une ambiance de dévotion et de malaise quasi-palpable. On est spectateur de ce huit-clos étrange. Sur ses gardes, Joël accepte cette vie cloisonnée et joue le jeu. A travers les rites installés où le mystique a sa place, chacun trouve ce qu'il attend. L'adolescent demande des punitions, l'adulte lui en donne en y prenant du plaisir. De quelle faute veut-il s'expier ? Presque pas de mots entre ces deux personnages, tout est dans les gestes et les regards. La folie jouxte la quête de la perfection et la relation de domination glisse, permute.

    Dès le départ, Claire-Lise Marguier installe une ambiance troublante. On se tient sur le fil du rasoir bousculé par des sentiments dérangeants, contradictoires. Avec une écriture classique, riche et aux accents poétiques, on se retrouve piégé dans la toile d’araignée qu’elle tisse. L’ambiguïté de cet amour porté comme un sacre est dévoilée sous toutes ses facettes tandis que la personnalité de l'adolescent énigmatique aux allures candides se dessine. Parce que l'envoûtement et la fascination ne peuvent pas être que lumière, la fin en sera d'autant plus sombre.

    Je n'étais pas sortie indemne de Le faire ou mourir, ça a été le cas ici également.
    Une lecture qui agit comme un uppercut, vous êtes prévenus !