Justice pour la république, Face aux dérives du Zarkozysme
EAN13
9782841879212
ISBN
978-2-84187-921-2
Éditeur
Archipel
Date de publication
Collection
POLITIQUE, IDEE
Nombre de pages
408
Dimensions
22,5 x 14 cm
Poids
436 g
Langue
français
Code dewey
347.44
Fiches UNIMARC
S'identifier

Justice pour la république

Face aux dérives du Zarkozysme

De

Archipel

Politique, Idee

Indisponible

Ce livre est en stock chez un confrère du réseau leslibraires.fr,

Cliquez ici pour le commander
www.editionslarchipel.com

Si vous souhaitez recevoir notre catalogue et être tenu au courant de nos publications, envoyez vos nom et adresse, en citant ce livre, aux Éditions de l'Archipel,

34, rue des Bourdonnais 75001 Paris.
Et, pour le Canada, à
Édipresse Inc., 945, avenue Beaumont,
Montréal, Québec, H3N 1W3.

eISBN 978-2-8098-1090-5

Copyright © L'Archipel, 2008.

À Robert Badinter

Prologue

La France à l'heure du sarkozysme

« C'est une expérience éternelle que tout homme qui a du
pouvoir est porté à en abuser. »

MONTESQUIEU

La descente de Laffrey, du nom de la commune où elle débute, est connue des Isérois comme l'une des plus dangereuses du département. Ils l'abordent avec la plus extrême prudence, et les autocars comme les poids lourds y sont interdits. Le 26 juillet 2007, un bus transportant des pèlerins polonais ignore l'interdiction. Ses freins lâchent. Il s'écrase en contrebas, provoquant le décès de 26 de ses passagers.

Dans l'après-midi, François Fillon, Jean-Louis Borloo et Michèle Alliot-Marie se succèdent en Isère pour s'enquérir des conditions d'accueil des survivants dans les hôpitaux, s'assurer du dispositif de sécurité mis en place, et, bien sûr, donner aux Français l'image d'un gouvernement mobilisé et compassionnel. En tant que président du conseil général, je les accueille et les accompagne, même si je trouve un peu excessif tout ce « déplacement gouvernemental »...

Quelques heures plus tard, je suis à l'aéroport de Grenoble-Saint-Geoirs, où l'arrivée du chef de l'État polonais est annoncée, et où Nicolas Sarkozy débarque pour accueillir son homologue. Première remarque du président, qui pénètre au pas de charge dans le salon VIP, escorté de sa suite : « J'ai faim, puis-je avoir quelque chose à manger ? » On lui apporte un plateau chargé d'une montagne de chocolats, qu'il va engloutir pendant une heure. Me voici face à celui que je n'ai pas revu depuis son élection. Comme je suis probablement le seul ici à ne pas être un obligé, j'ai droit à toute son attention – bien qu'il soit souvent interrompu par la sonnerie de son téléphone portable, qu'il ne lâche jamais. Curieusement, s'il est ici pour une raison précise et tragique, Nicolas Sarkozy n'y fait jamais allusion. Une heure va s'écouler entre son arrivée et celle du président polonais, et il n'aura pas un mot sur l'accident de car, pas une phrase sur les pèlerins brûlés vifs, pas une question sur les circonstances de l'accident ! Rien non plus sur le département de l'Isère, ses problèmes ou ses atouts, son histoire ou sa géographie. Rien. Pas une question.

Pourtant, les sujets ne manquent pas pour un président qui s'intéresserait vraiment à la contrée où il se trouve : se souvenant que Stendhal était né à Grenoble, Mitterrand m'aurait sans doute parlé du fait divers survenu en Isère qui lui avait inspiré Le Rouge et le Noir ; Giscard aurait évoqué l'énergie nucléaire, qui doit tant aux laboratoires grenoblois ; Chirac aurait mentionné l'agriculture dauphinoise, à laquelle, alors étudiant à l'ENA, il avait consacré son stage à la préfecture de l'Isère. Mais Sarkozy savait-il seulement qu'il était en Isère ?

Le plus choquant reste son silence total sur l'accident et ses victimes. François Fillon, Michèle Alliot-Marie, Jean-Louis Borloo avaient, durant l'après-midi, semblé s'intéresser vraiment au sort tragique des pèlerins polonais. Et leur compassion paraissait sincère. Avec Nicolas Sarkozy, rien de tel. Sauf, évidemment, à l'arrivée de son homologue polonais : le président français affichera alors la lugubre mine de circonstance.

En attendant Lech Kaczynski, le président français se veut à la fois décontracté et caustique. Et la partie de ping-pong s'engage. Mes critiques à l'égard de son américanisme béat et de son atlantisme assumé ? « Une mauvaise compréhension de l'évolution des choses, me dit-il. Les Américains nous ont imposé leurs références, de génération en génération : mes enfants écoutent de la musique américaine, et moi, quand je vais au cinéma, c'est pour voir des films américains. »À l'entendre, je perçois à quel point il a fait son deuil de cette fameuse « exception fran çaise », à laquelle Jacques Chirac se montrait attaché. Cette rupture-là est bien réelle, et éclaire d'une lumière particulière le retour annoncé de la France dans le giron atlantiste. Je comprends qu'avec Sarkozy nous aurions sans doute accompagné les Américains en Irak. « Certes, nous sommes les amis et les alliés du peuple américain, rétorqué-je alors au président. Mais ni cette amitié ni cette alliance ne sauraient justifier un alignement de la France sur la politique américaine, ni en Irak, ni en Iran, ni au sein de l'Otan. » Je prends à témoin Michèle Alliot-Marie: « Le général de Gaulle doit se retourner dans sa tombe ! » Elle plisse les yeux pour me témoigner discrètement son approbation.

Il ne fait pas président

Notre conversation roule sur l'actualité. Nicolas Sarkozy ne résiste pas au plaisir de me provoquer en évoquant son gouvernement, dont il est si fier : « Kouchner, que Ségolène Royal n'a pas su garder ; Besson, Jouyet, Bockel, qui m'ont rejoint parce qu'ils en avaient assez de ton PS archaïque ; et mon“ami Dominique”, que je vais faire nommer à la tête du FMI. » Je mesure alors à quel point l'ouverture à la mode Sarkozy n'a rien à voir avec une négociation politique sérieuse, débouchant sur un programme de gouvernement. Elle relève de la technique du casting : la représentativité politique des impétrants a beaucoup moins d'importance que leur impact médiatique. C'est évidemment le cas pour Bernard Kouchner, et même si la notoriété de Jean-Marie Bockel, Éric Besson et Jean-Pierre Jouyet n'a rien de commun avec celle du french doctor, leur ralliement à Sarkozy a provoqué assez de remous médiatiques pour embarrasser la gauche.

Autour du chef de l'État, on se tait. Michèle Alliot-Marie garde les mâchoires serrées. Ses conseillers Catherine Pégard, Jean-David Levitte et David Martinon restent silencieux devant ce président tellement heureux de parler de lui, encore de lui et toujours de lui. Comme un enfant en quête permanente d'approbation, il raconte ce qu'il a fait hier, ce qu'il fait aujourd'hui, ce qu'il fera demain. Il se raconte surtout lui-même, comme fasciné par sa propre réussite et cherchant à faire partager cet émerveillement.

J'observe Nicolas Sarkozy s'exprimant avec cette autosatisfaction presque puérile, cette suffisance joyeuse. Avec aussi une familiarité dans l'expression qui me choque, des attitudes relâchées qui me surprennent. Son ex-épouse elle-même aurait dit : « Il ne fait pas président... » Je me dis que cet homme n'est décidément pas conforme à l'idée que je me fais d'un chef d'État.

Six mois plus tard, me voici à nouveau à côté de Nicolas Sarkozy. Le cadre a changé. Nous sommes sous la coupole de l'Académie française, où a lieu la réception de Max Gallo. Le protocole pointilleux m'a placé, en tant que parlementaire, au premier rang des personnalités présentes – devant Jacques Delors et Yves Guéna, ce que je trouve pour le moins choquant –, juste à côté et en retrait du fauteuil présidentiel, disposé seul au centre de tout et en avant de tous, comme il se doit dans une république qui n'en finira jamais de vouloir imiter la monarchie...

Tapis rouge, roulements de tambours : le président arrive, salue Mme Gallo sur sa gauche, me salue sur sa droite, s'assied. La séance commence.

Deux très beaux et très longs discours vont alors se succéder – celui de Max Gallo faisant l'éloge de son prédécesseur Jean-François Revel, et celui d'Alain Decaux accueillant Max Gallo. Une heure quarante-cinq au total ! Autant dire une éternité pour Nicolas Sarkozy. Tout en me délectant de ces discours, j'observe le président de la République. Face à des académiciens qui s'affaissent peu à peu (et, pour certains, s'endorment), lui remue sans cesse. Les jambes et les pieds bien sûr, mais aussi les épaules et les bras, les mains et les doigts : à tout moment, il agite au moins l'une des parties de l'un au moins de ses quatre membres. Mobile et nerveux, rien ne semble devoir l'apaiser, pas même la solennit é du lieu. Pour une fois, il s'abstient de re...
S'identifier pour envoyer des commentaires.