La vie secrète des requins
EAN13
9782841875023
ISBN
978-2-84187-502-3
Éditeur
Archipel
Date de publication
Collection
Roman français
Nombre de pages
308
Dimensions
10 x 10 x 2 cm
Poids
100 g
Langue
français
Code dewey
597.315
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La vie secrète des requins

De

Archipel

Roman français

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La Vie secrète des dauphins, L'Archipel, 2002.

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Montréal, Québec, H3N 1W3.

eISBN 978-2-8098-1536-8

Copyright © L'Archipel, 2003.

INTRODUCTION

La révélation de la Bête

Là-bas ! Là-bas !... La mer... Le royaume des Autres ! L'océan revêt cette nuance de plomb qui prélude aux tempêtes. Le bateau longe la côte sud de l'Australie, près de l'île Kangourou. Dans un creux d'onde liquide, se matérialise un aileron en triangle. C'est la nageoire dorsale de la plus fabuleuse des créatures : le grand requin blanc.

La nageoire s'enfonce et refait surface.

Un dos gris se devine dans l'écume. Un museau pointe et fend la mer.

Soudain, l'animal s'élance dans un furieux bouillonnement. Il décolle, il bondit hors de l'élément liquide ! Il exalte sa puissance dans l'atmosphère. Il arque son corps en fuseau comme en un spasme. On voit ruisseler sa gueule hérissée de dents, ses nageoires profilées, sa peau bicolore – gris sombre sur le dos, argentée sur le ventre.

Le requin blanc saute ! Il s'offre en spectacle. On croyait ces bonds réservés aux dauphins. On avait vu des raies mantas décoller. Le roi des squales s'adonne aussi à ce sport. Il quitte un instant la vague, puis y retombe dans un éclaboussement.

Le grand blanc décolle pour mieux localiser ses proies. Il en a repéré une : une otarie ; un jeune lion de mer d'Australie, qui tente frénétiquement de regagner la côte. Le prédateur attaque. Il accélère sa nage, bascule sur le côté, ouvre la gueule et la referme sur sa victime. Tétanisée par le choc, l'otarie pousse une sorte de long cri silencieux, avant d'être entraînée dans l'épaisseur aquatique. Du sang tourbillonne. L'écume se teinte de rose. Le lion de mer se débat, parvient à se dégager quelques secondes, mais perd trop de forces. Le gros poisson le rattrape, le saisit derechef dans ses dents, le secoue, l'anéantit.

Au creux de l'océan, s'accomplit une fois de plus l'universel mystère de la vie et de la mort.

Car tel est l'ordre du monde.

Un monstre rare

Un grand albatros, des damiers du Cap, des prions, des goélands dominicains tournent dans l'air chargé d'orage. Sur le bateau, les hommes s'agitent et s'interpellent. Ils sont excités. Ils viennent d'assister à un événement. Ils voudraient voir bondir à nouveau le « monstre »... Mais le grand blanc n'est pas un dauphin. Il ne saute pas pour s'amuser. Il avait faim, il a trouvé son repas, il le mange, il l'a mangé : il passe sa route. Il ondule une dernière fois sous la surface et s'évanouit dans l'énigme de l'eau.

Près de l'Australie, la nature a offert aux humains cette scène barbare et grandiose. N'en restent que quelques débris de chair lacérée, que les oiseaux criards se disputent.

Voici plus d'un mois que les naturalistes ont entamé cette traque pacifique. Ils ont cherché le grand requin blanc dans la baie Shark, au large du cap Leeuwin, puis à travers la baie de Nullarbor. Ils ont appâté en déversant dans l'océan des seaux entiers d'une mixture réputée plaire aux squales, qu'ils ont baptisée « strouille » (chum) et qui se compose de sang de bœuf, d'huile de poisson et de viscères de thon. Ils ont constaté à quel point, loin de « pulluler », selon le cliché éculé de la presse à sensations, le requin blanc est une espèce rare. Voire rarissime...

Depuis une semaine, le bateau tourne autour de l'île Kangourou. Le saut du grand blanc a constitué un instant de folie. Mais si bref ! Presque un rêve...

Les nuées se rassemblent et s'épaississent. Les équipiers se réfugient sur la passerelle. L'orage éclate. Les éclairs zèbrent le ciel dans une senteur d'ozone. Le tonnerre et la pluie conjuguent leur fureur à celle des vagues. Puis les éléments s'apaisent, la tempête s'éloigne, les hommes ressortent sur le pont.

Les goélands et les damiers reviennent tourner autour du bateau en craillant.

À l'avant, un équipier crie : « Là ! À bâbord... Un aileron ! »

Le prince des eaux profondes est revenu... Du moins, un sujet de la même espèce. Pas celui qui a sauté la première fois, qui était probablement une femelle et qui dépassait 6 mètres. Celui-ci est un peu plus petit. Il tourne autour de la coque, dans l'eau plombée aux reflets gris-vert. Il avance sans effort : impeccable torpille biologique... Les marins le contemplent, subjugués.

Tout à l'heure, la scène fut brève et violente. Elle est à présent majestueuse. Le grand blanc honore les hommes de sa présence. C'est un colosse. Un titan. Une perfection. Une élégance de la mer. L'union de la force et de l'harmonie. La splendeur farouche de l'univers liquide...

Le grand requin blanc... Pour le naturaliste, Carcharodon carcharias... Celui-ci mesure près de 5 mètres et pèse peut-être 1 tonne. Il appartient au groupe des squales superlatifs, qui hantent l'imagination des humains depuis la nuit des temps. Comme le tigre de la jungle, il fait partie des carnassiers majeurs que les esprits simples ou les ignorants décrètent « altérés de sang », « cruels » ou « mangeurs d'hommes ». Il tourne sous la surface avec la lenteur qui sied aux personnages de haute extraction. Une énigme qui va ! De temps à autre, il ouvre les mâchoires, comme s'il allait mordre. Frisson pour les enfants de 7 à 77 ans...

Quiconque voyage sur les mers rencontre des squales de toutes dimensions. Quiconque s'essaie à la plongée peut avoir des sueurs froides sous son habit de Néoprène. Mais jamais on ne se sent aussi vulnérable, négligeable, méprisable, que face au grand requin blanc. Ce squale donne la chair de poule. On le contemple, et on redevient gamin. Émerveillé et craintif. On admire cette tête en cône pointu ; cet aileron en triangle ; ces vastes pectorales ; ces yeux ronds comme des soucoupes, où l'on ne décèle aucune expression ; ces mandibules qui pourraient déchiqueter un homme ; ces dents en poignards ; ce dos gris sombre et ce ventre blanc, séparés par une frontière ondulée nette ; et ces reflets roses sur les lèvres et le menton, qui évoquent une tache de sang...

La prière des morts

Le poisson bascule un instant sur le côté et montre son dessous blanc. Son bas-ventre est doté, entre les nageoires pelviennes et la caudale, de deux pointes cartilagineuses en forme de fers de hallebardes. Ce sont ses organes sexuels externes. Ces appendices copulateurs, baptisés « ptérygopodes », caractérisent le mâle et servent à injecter le sperme dans les voies génitales de la femelle. Chez les requins, les représentants du sexe « fort » sont plus petits et moins costauds que leurs « faibles » compagnes.

Bien entendu, les squales ne sont pas intéressés par autre chose que les stimuli de leur environnement. Ils ne quêtent pas la nouveauté, ils ne tentent pas de comprendre. Rien à voir avec le comportement sans cesse en éveil des dauphins, ces mammifères à gros cerveau... Pourtant, celui-ci semble animé par la curiosité autant que par la faim. On est loin de la furia « sanguinaire », de la frénésie alimentaire qui s'empare parfois de ces animaux et les rend agressifs lorsqu'un gros repas semble promis.

Le parfum organique de la « strouille », que l'animal a dû percevoir à des milles, commence quand même à l'exciter. Il donne des coups de queue et de reins impatients et effectue plusieurs démarrages nerveux... Les hommes du bateau détaillent la peau grise et rugueuse de son dos ; et celle, en apparence toute douce, de son ventre blanc.

Qui est ce superbe « monstre » ? Quelle est son histoire ? Est-il en train de patrouiller sur son territoire ? Possède-t-il un fief ? A-t-il des relations avec ce qu'on pourrait appeler une « troupe » ou un « banc » de ses semblables ? Ou erre-t-il en solitaire, d'un océan à l'autre, au hasard des courants et des vagues ? Nul ne le sait. Ce gros poisson appartient à l'univers du Grand Bleu, où les humains sont rarement invités. Où ils sont même, en général, intrus.

Les requins sont magnifiques, mais mal connus. Calomniés, décriés, maudits, h...
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