Qui a tué Georges Mandel ?, [1885-1944]
EAN13
9782809800753
ISBN
978-2-8098-0075-3
Éditeur
Archipel
Date de publication
Collection
Histoire
Nombre de pages
442
Dimensions
10 x 10 x 2 cm
Poids
100 g
Langue
français
Code dewey
944
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Qui a tué Georges Mandel ?

[1885-1944]

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DU MÊME AUTEUR

Le Journal d'Anna, roman, Phébus, 1990.

Les Papiers secrets du général Doumenc, Orban, 1992.

Churchill et les Français, Plon, 1993 ; Ostwald/Polygone, 2000.

Montoire, Albin Michel, 1995.

Aubrac, les faits et la calomnie, Le Temps des Cerises, 1997.

La Ruse nazie, France Empire, 1997.

Hitler, Grasset, 1999.

L'Appel du 18 juin 1940, Grasset, 2000.

La Face cachée de 1940. Comment Churchill réussit à prolonger la partie, F.-X. de Guibert, 2003.

La Libération de la France, avec Jacques Baumel, L'Archipel, 2004.

Les Tentatrices du diable. Hitler, la part des femmes, L'Archipel, 2005.

Un tragique malentendu. De Gaulle et l'Algérie, avec Jacques Baumel, Plon, 2006.

Nuremberg face à l'Histoire, L'Archipel, 2006.

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eISBN 978-2-8098-1108-7

Copyright © L'Archipel, 2008.

À la mémoire de Lucie Aubrac

INTRODUCTION

Paris, 7 juillet 1944. Après quatre ans d'occupation allemande, la capitale française est suspendue aux nouvelles du front de Normandie, ouvert un mois plus tôt par un débarquement que quelques-uns redoutaient tandis que la grande majorité l'espérait. Les résistants s'enhardissent, les troupes occupantes deviennent fébriles. Le grand orateur radiophonique Philippe Henriot, ministre collaborateur qui s'efforçait de convaincre les Français que les armées débarquées ne venaient pas les libérer mais aggraver leur sort, a été abattu quelques jours plus tôt à son domicile parisien. Dans l'après-midi, plusieurs tractions avant se garent en hâte dans la cour de la prison de la Santé. On vient chercher le détenu Louis Rothschild, qui se fait appeler Georges Mandel, et que ses ennemis antisémites ont tendance à surnommer « Jéroboam »... ce qu'ils ont fait jusque sur le registre de la prison. Deux voitures prennent la direction du sud-est. En forêt de Fontainebleau, le chauffeur de la premi ère simule une panne, les passagers sont invités à sortir pour se dégourdir les jambes et l'un d'eux en profite pour faucher Mandel d'une rafale de pistolet-mitrailleur, tirée dans son dos, avant de l'achever de deux balles à bout touchant dans le cou et la tête. L'intention homicide ne fait aucun doute. L'identité de l'assassin est moins évidente, les trois membres du groupe jugés quelques mois plus tard ayant, comme on pouvait s'y attendre, attribué l'homicide à un camarade absent, vraisemblablement décédé. Quant aux commanditaires et à leurs mobiles, ils sont toujours nimbés d'un épais brouillard.

Les mobiles possibles sont légion. Celui qui a failli conquérir la France et l'asservir pour longtemps, Adolf Hitler, sent sa proie lui échapper mais n'a pas dit son dernier mot. Il est en bonne forme physique et intellectuelle après quelques mois de villégiature auprès d'Eva Braun, dans son cher chalet bavarois du Berghof, et s'apprête à repartir pour son quartier général de Rastenburg, en Prusse-Orientale, où il est lui-même guetté par un homme qui en veut à sa vie : Claus von Stauffenberg va passer à l'action le 20 juillet et le manquer de justesse. La guerre connaît, du moins en Europe de l'Ouest, un paroxysme de violence et, si Paris est encore assez tranquille, Londres et Berlin voient des quartiers entiers s'effondrer dans le fracas des bombes, larguées au-dessus de l'Allemagne par les « forteresses volantes » et tirées contre l'Angleterre par les rampes de lancement de V1, en action dans le Pas-de-Calais depuis le 13 juin.

Mandel incarne tout ce que Hitler déteste. Issu d'une famille alsacienne qui a choisi la France en 1871, il a figuré aux côtés de Georges Clemenceau, dont il était le chef de cabinet, parmi les principaux artisans de la détresse suprême de l'Allemagne, en novembre 1918. C'est à ce moment que le caporal Hitler, orphelin de ses espérances, avait décidé, dans une crise d'amour mystique envers son pays, de devenir un homme politique. De surcroît, Mandel était juif, et cette « race » était pour Hitler, depuis cette époque, un membre pourri de l'humanit é, à trancher dès que possible. Il la tenait pour responsable de tous les maux de l'Allemagne et même de l'espèce humaine. Plus tard, lorsque après maints rebondissements il est enfin arrivé au pouvoir, sans susciter beaucoup d'inquiétude ou d'hostilité parmi les Français ou leurs alliés anglo-saxons de la Grande Guerre, c'est encore Mandel qui s'est levé parmi les premiers, le 9 novembre 1933, pour admonester les parlementaires de son pays, et il n'avait cessé, jusqu'à la déclaration de guerre du 3 septembre 1939 consécutive à l'agression de Hitler contre la Pologne, de pousser les dirigeants français ou étrangers à la fermeté envers le nazisme, s'attirant fréquemment dans la presse allemande des épithètes infamantes, dont « belliciste » était l'une des plus polies.

Puisque Hitler a de si fortes raisons d'en vouloir à Mandel, pourquoi le tuer si tard et presque à la fin de cette « solution finale » qu'il applique depuis 1941 aux Juifs de toute l'Europe ? En outre, comment comprendre le rôle des Français qui l'emmènent et qui appartiennent à une organisation proallemande nommée la Milice ? Une thèse couramment admise veut d'ailleurs que le meurtre soit commis à leur initiative pour venger Philippe Henriot, qui était un des leurs.

Un autre suspect est le maréchal Pétain, qui, ayant accumulé depuis 1918 de nombreux sujets de rancune envers Mandel, l'avait fait interner en 1940 puis l'avait condamné sans jugement à la détention au fort du Portalet. Les Allemands étaient venus l'y cueillir en novembre 1942 sans que le chef de l'État-croupion sis à Vichy, qui se faisait fort de protéger les Français, esquiss ât un geste en sa faveur. Or la Milice, au moins en théorie, dépendait de Pétain qui se décida à en condamner les « excès » très tard, le 6 août 1944, en mentionnant la mort de Mandel parmi ceux-ci mais en position subalterne et dans des termes assez peu courroucés.

Hitler, qui avait transformé l'Allemagne en une immense machine de guerre et de meurtre, ne pouvait en actionner lui-même tous les leviers. Il avait formé des disciples et embauché des valets, auxquels il laissait une certaine marge d'initiative. D'autre part, cet assassinat particulièrement lâche n'a pas été revendiqué après la guerre et toutes les étapes du sort de la victime, à partir de son arrestation au Maroc durant l'été 1940, ont fait l'objet d'un pesant silence, notamment de la part des Allemands en poste à Paris pendant la guerre et jugés dans cette ville par la suite, à savoir l'ambassadeur Abetz et les dirigeants SS Oberg et Knochen.

En confrontant les confidences échappées aux uns et aux autres, en les enrichissant de documents d'archives et des dossiers conservés par Robert Courrier, fils du commissaire de police affecté à la garde du prisonnier en 1940-1941, on voit apparaître une trame cohérente, à travers des péripéties pleines de surprises1...

1. Robert Courrier m'a communiqué un certain nombre de documents et de souvenirs. Il a par ailleurs déposé aux Archives nationales et à l'Institut d'histoire du temps présent, en 1997, un manuscrit de 200 pages intitul é Pétain et la cause anglo-saxonne, cité ci-après comme le « manuscrit de Robert Courrier ».

1

Le piège

Le discours prononcé par Georges Mandel le 9 novembre 1933 est l'un des rares triomphes oratoires de ce député peu porté sur la tribune : le sujet devait lui tenir à cœur pour qu'il se surpassât ainsi.

Son collaborateur Francisque Varenne raconte que, lorsqu'il était ministre, il s'arrangeait pour ne jamais être interpellé par les députés : il leur répondait par écrit, afin de faire retirer les interpellations de l'ordre du jour. Or il avait la parole facile et brillante en petit comité. Autour de lui se formait dans les couloirs de l'Assemblée, entre les séances, un cercle croissant d'auditeurs, attirés par ses analyses autant que par son érudition, ses mots, son art de raconte...
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