Claude Vigée

Biographie

Né le 3 janvier 1921 à Bischwiller dans le Bas-Rhin, dans une famille juive
peu pratiquante, Claude André Strauss parle chez lui dans son enfance le
dialecte bas-alémanique, sa première langue, puis apprend le français à
l'école. Le dialecte alsacien, accentuel, et la psalmodie biblique contribuent
dès le plus jeune âge à faire du rythme le mode d'appréhension de la vie
intérieure. Ses parents se séparent en 1935. Durant l'exode, il se trouve seul
avec sa mère, Germaine Meyer, et la famille de sa cousine et future épouse,
Evelyne Meyer, qui émigre aux Etats-Unis début 1941. Pendant cette période,
Claude Vigée rejoint à Toulouse l'Action juive et fait la connaissance
d'écrivains et de poètes, comme Pierre Darmangeat ou Etienne Lalou, qui plus
tard le publiera chez Flammarion. C'est à cette époque qu'il voit paraître ses
premiers poèmes, sous le nom de Claude Vigée - nom qui est déjà un défi, défi
à l'interdit de publier pour un Juif durant cette période, et défi qui
consiste à s'affirmer vivant quand triomphe la mort. Claude Vigée adoptera
d'ailleurs ce nom de plume comme son seul nom après la guerre. A Toulouse,
avant son exil, en novembre 1942, il fait la connaissance de Jean Cassou et de
Benjamin Crémieux, ainsi que de Pierre Seghers. Il se rend également chez
Pierre Emmanuel à Dieulefit, chez Joë Bousquet à Carcassonne et rencontre chez
lui, à Marseille, Lanza del Vasto.
La traversée, en novembre 42, sur le _Serpa Pinto_ , de Lisbonne à New York,
inaugure la période américaine, qui se conclura en 1960, quand Claude Vigée
obtiendra un poste provisoire, puis définitif, à l'Université hébraïque de
Jérusalem. Claude Vigée associe l'exil en Amérique avec l'ennui, surtout les
premières années passées en Ohio. Pourtant, dans la « terre gaste »
américaine, il retrouva Evy, qu'il épousa en 1947 et, ayant soutenu son
doctorat sur le démonique chez Goethe, il fit une brillante carrière
universitaire qui le mena, de 1949 à 1959, à l'Université de Brandeis, où il
devint Président du département de langues romanes. A ce titre, il eut
l'occasion d'inviter pour des lectures, des conférences ou des cours nombre de
poètes américains ou étrangers, dont Robert Frost, William Carlos Williams,
Robert Lowell, Elizabeth Bishop, Jorge Guillen, Henri Thomas, Pierre Emmanuel,
Alain Bosquet, Yves Bonnefoy ou René Girard. Un de ses collègues, Président du
département de philosophie, était Herbert Marcuse. Dès le début de son séjour
américain, il fit la connaissance de Saint-John Perse qui reçut le couple
plusieurs fois chez lui.
Claude Vigée n'oublie pas la France, où il revient durant les vacances. C'est
durant un de ces séjours à Paris qu'il eut la joie de voir dans la vitrine de
la librairie _Les Lettres_ son premier recueil (1950), _La lutte avec l
'ange_, qui fut suivi de _Avent_ (1951) et de _Aurore souterraine_ (1952),
cette fois-ci chez Seghers. Le poète avait fait la connaissance de Jean
Follain, André Frénaud, Eugène Guillevic, Eugène Ionesco, de Jules Supervielle
également et, par la suite, de Gaston Bachelard. Des Etats-Unis, il adressa à
Albert Camus le manuscrit de _L 'Eté indien_ ; que ce dernier accepta et
publia, en 1957, ce qui fut le prélude à une trop brève amitié. Les affinités
entre les deux écrivains sont nombreuses - exil, sens éthique, quête
spirituelle. Parallèlement à ses écrits poétiques, Claude Vigée mène une
carrière de critiques, publiant de nombreux essais d'importance, comme _Les
artistes de la faim_ (1960), ouvrage qui lui donna l 'occasion de rencontrer
Raymond Aron aux éditions Calmann-Lévy, ou _Révoltes et louanges_ (Corti,
1962).
L'installation à Jérusalem ouvre une nouvelle période, heureuse, de la vie de
Claude Vigée. C'est la découverte d'un univers pittoresque, haut en couleur,
qu'il décrit dans _Moisson de Canaan_. Claude Vigée fait alors des rencontres
importantes, comme celle de Martin Buber et de Gerschom Scholem. C 'est ce
dernier qui lui ouvre l'immense trésor poétique de l'univers cabalistique,
incitant le poète à approfondir sa connaissance du mythe. Il suit aussi les
leçons de Léon Askénazi, dit Manitou, et côtoie André Néher et André
Chouraqui, ainsi que des écrivains et poètes israéliens écrivant en hébreu,
comme Léa Goldberg, Agnon, Yehouda Amichaï, David Rokéah, Haïm Gouri, Ted
Carmi, d'origine américaine, ou A.B. Yehoshua. Le contact avec Paris n'est pas
rompu. Claude Vigée y rencontre André Malraux en 1966 et continue à y publier
poèmes, judans et essais chez Flammarion, de 1967 à 1989. Son oeuvre, depuis
La lutte avec l'ange, est bien reçue par la critique et a été saluée par de
nombreux poètes et écrivains. Il a également reçu un certain nombre de prix,
comme le prix Würth en Allemagne, ou, en France, le Grand Prix de l'Académie
française. Claude Vigée a eu également un dialogue suivi avec des philosophes,
comme Vladimir Jankélévitch, Jean Wahl, Robert Misrahi, Emmanuel Levinas ou le
biologiste Henri Atlan. Son oeuvre, à ce jour, est traduite en allemand, en
italien et en anglais.
Il n'a jamais non plus oublié l'Alsace puisqu'il a publié de nombreux poèmes
en langue alsacienne, _Les orties noires_ (1984) et _Le feu d 'une nuit
d'hiver_ (1989) notamment. En 1994 et 1995, il écrit ses mémoires d'enfance -
les deux tomes de Un panier de houblon. Il approfondit également, durant cette
période, la spiritualité juive avec des ouvrages comme _Vision et silence dans
la poétique juive_ (1999) ou _Dans le silence de l 'Aleph_ (1992). Les
éditions Parole et Silence ont dernièrement publié régulièrement ses poèmes,
ses essais et de nombreux entretiens, rééditant aussi de nombreux écrits
critiques importants extraits des _Artistes de la faim_ ou de _L 'Art et le
démonique_, entre autres. Depuis 2001, Claude Vigée vit uniquement à Paris en
raison de l'état de santé de son épouse, dont il a pris soin depuis les débuts
de sa maladie, en 1997, jusqu'à sa disparition, le 17 janvier 2007. En 2008 a
paru Mon heure sur la terre aux éditions Galaade. D'autres ouvrages ont suivi
: _Lièwesschprooch, Poésies et proses en dialecte alsacien_ , Bischwiller,
Uffem Hàseschprung éditeurs, 2008. _Mélancolie solaire_ , Paris, Orizons,
2008. _Le fin murmure de la lumière_ , Paris, Parole et Silence, 2009. Ce qui
demeure : Le témoignage d'Adrien Finck, Strasbourg, Editons de la Revue
alsacienne de littérature, 2009. _L 'extase et l'errance_ (réédition), Paris,
Orizons, 2009. La double voix, Paris, Parole et Silence, 2010. _Les Sentiers
de velours sous les pas de la nuit_ , Cahier de Peut-être n° 1, Chalifert,
Association des Amis de l'oeuvre de Claude Vigée, 2010. _Rêver d 'écrire le
temps :_ _De la forme à l 'informe_, Paris, Orizons, 2011.
Sur l'idée d'Evy, une Association des Amis de l'oeuvre de Claude Vigée s'est
créée à l'automne 2007. Elle publie une revue poétique et philosophique,
annuelle, _Peut-être_ , dont le n° 3 a paru en janvier 2012. http://revuepeut-
etre.fr Claude Vigée se trouve également au comité de rédaction de la revue
_Temporel_ : http://temporel.fr