• 29 février 2012

    J'étais plutôt frileuse en commençant ce roman. J'ai donc préféré attendre que la pression médiatique s'estompe afin de l'apprécier à sa juste valeur.

    C'est le premier livre de Delphine De Vigan que je découvre. Elle choisit ici d'écrire sur sa mère et sa nécessité(ou plutôt sa difficulté) d'écrire sa famille. C'est ce dernier point qui m'attirait vraiment en ouvrant ce roman.

    Lucile, la mère de l'auteure, s'est suicidée quelques années plus tôt et Delphine De Vigan tente de remonter le fil émotionnel de sa propre enfance mais aussi celle de Lucile. Elle mène l'enquête auprès des siens en les interrogeant, en enregistrant leurs paroles, en consultant les photos et les souvenirs de cette famille dans les années 70.

    Elle reconstruit le lourd passé de sa famille et simultanément quelques chapitres évoquent son rapport à l'écriture. Une sorte de "work in progress" entrecoupe le récit et apporte beaucoup de densité au propos de Delphine de Vigan. L'enfance de Lucile,au coeur d'une famille nombreuse,verra surgir de nombreux drames: décès, incestes et silences pesants.

    L'écriture de Delphine est toute en contraste saisissant entre l'effervescence émotionnelle de sa famille et le choix des mots. Une tonalité très sobre virevolte avec une grande douleur, sourde et profonde.

    Comme de nombreux lecteurs avec ce type de récit, je craignais l'excès de pathos.Il n'en est rien. La bipolarité de Lucile, par la magie des mots, nous emporte dans une dimension cathartique.

    "J'éprouve encore des sentiments pour mes enfants, mais je ne peux pas l'exprimer. Je n'exprime plus rien. Je suis devenue laide, je m'en fous, rien ne m'intéresse sinon d'arriver enfin à l'heure de dormir avec les médicaments. Le réveil est horrible. Le moment où je passe de l'inconscient au conscient est un déchirement. Se forcer à prendre une douche, trouver des oripeaux acceptables."

    Tout au long de ce roman, je me suis interrogée sur la nécessité pour les auteurs de se livrer. J'ai trouvé quelques réponses dans l'introspection de l'auteure sur son travail d'écriture.

    "A une amie avec laquelle je déjeunais, alors que je terminais ces retranscriptions, toujours à l'arrêt dans l'écriture, je m'entendis expliquer: ma mère est morte mais je manipule un matériau vivant."

    Comme le désirait Justine, la soeur de l'auteure, le roman se termine de manière positive puisque ...

    "Lucile[Poirier] est morte comme elle le souhaitait: vivante."