Oser le conflit pour mieux s'entendre

Introduction?>?>Une notion à réhabiliter?>« L'opposition, c'est la vie. »Honoré de BalzacVous détestez les conflits ? Rassurez-vous, personne ne les apprécie. Abstraction faite de celles et ceux qui ont un goût prononcé pour la dispute, se complaisent dans la guérilla relationnelle et y puisent leur dose d'adrénaline. Nous en connaissons tous. Mais ces querelleurs dans l'âme – qui prétendent souvent être contraints à une attitude offensive et ne souhaiter que la paix – sont relativement rares.
La majorité d'entre nous n'aiment pas le conflit. La seule lecture de sa définition est d'ailleurs peu engageante :Conflit, n. m. (du latin confligere, heurter) : antagonisme, opposition de sentiments, d'opinions entre des personnes ou des groupes.Syn. : affrontement, bataille, belligérance, choc, clash, collision, combat, compétition, conflagration, contestation, contradiction, désaccord, différend, difficulté, discorde, dispute, dissension, dissentiment, dissonance, divergence, froissement, guerre, heurt, hostilités, litige, lutte, opposition, querelle, rivalité, tiraillement, tiraillerie. Instinctivement, nous avons davantage tendance à fuir un tel dessein qu'à le nourrir ! Et cela pour deux raisons évidentes. La première est que le conflit sonne comme une transgression aux bonnes mœurs : il est vilain. La seconde est qu'il met en danger notre équilibre et notre relation à autrui : il est risqué. La conclusion est implacable : mieux vaut l'éviter. Mais le problème est que le conflit est...inévitable ! Impossible de passer 24 heures consécutives sans qu'un désaccord, même minime, ne survienne avec un proche ou un inconnu, sans qu'en nous-même des désirs contradictoires ne se livrent bataille. Nos journées regorgent de conflits en tout genre.
Combien sommes-nous chaque matin à maudire l'idée de devoir nous lever alors que notre seule envie est de ne surtout rien faire ? À nous disputer avec le petit dernier pour une histoire de théorèmes non encore révisés ? À contester le choix de notre moitié de partir, pour les prochaines vacances, faire un trek dans les Cévennes ou une thalasso à Carnac ?
Nous pourrions croire que ces conflits potentiels se cantonnent à la vie privée. Mais non : ils envahissent notre vie sociale. Qui n'a jamais pesté dans un métro ou un bus plein à craquer ? Ne s'est jamais offusqué des incivilités commises par un automobiliste ? Ne s'est pas froissé pour un« Bonjour » oublié ou un regard de travers ? Autant d'occasions de nous opposer les uns aux autres...
Notre journée de travail ne nous promet pas davantage d'harmonie. Du conflit de pouvoir aux rivalités entre collaborateurs en passant par les éternelles divergences d'opinions, la compétition pour tel ou tel appel d'offres et les litiges avec là un client, ici un fournisseur, la vie professionnelle n'est qu'un vaste champ de batailles. Personne ne peut être totalement épargné.
Le soir, épuisés, nous n'aspirons qu'à la sérénité. Mais nous ne sommes jamais à l'abri d'un courrier de l'administration qui nous « informe par la présente d'un contentieux à régler sous huitaine ». Ni du 3/20 brillamment décroché par sa progéniture chérie en interro surprise sur Thalès. Pas à l'abri non plus du coup de fil d'un ami avec lequel on traîne un vieux litige depuis l'enfance – mais sur lequel, bien sûr, on n'a jamais osé mettre le doigt. Encore moins d'une scène de ménage à propos des vacances – il n'est même plus question des Cévennes ou de Carnac, mais de l'avenir du couple.
Sans doute pensons-nous alors qu'un bon film ou un bon roman nous ferait à nouveau croire à la paix universelle. Mauvais choix ! Du polar au roman de gare en passant par les derniers succès de librairie, du cinéma indépendant aux mélos hollywoodiens, tout est affaire de combats. Nul scénario sans un conflit qui se trame entre un personnage et un autre, entre le héros et lui-même, entre l'un des protagonistes et...le reste du monde. Bien que nous les détestions, nous sommes cernés par les conflits.Des vertus du conflit?>Le conflit est-il normal ? et bien utile ? tant pour soi que pour l'autre ou pour la société dans son ensemble ? Comment les sociologues, ces spécialistes du « vivre ensemble », jaugent-ils le conflit ? Est-il destructeur ou constructif ? Autant de questions auxquelles Dominique Picard, professeur de psychologie sociale et auteur de plusieurs ouvrages sur le conflit relationnel, tente de nous apporter des réponses : « Certains sociologues1 l'ont considéré comme un élément perturbant du système social et un obstacle à la nécessaire harmonie des rapports humains. » Un point de vue qui nous conforte dans l'idée que nous avions raison de craindre le conflit. Sauf que...