Un écureuil sous la neige, Un écureuil sous la neige
EAN13
9782848196961
ISBN
978-2-84819-696-1
Éditeur
Éditions Créer
Date de publication
Nombre de pages
239
Dimensions
20 x 12 x 1,5 cm
Poids
272 g
Langue
français
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Un écureuil sous la neige

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Ce fut d’abord une odeur. De celles qui surgissent parfois de la mémoire, de ces évidences olfactives qui réveillent irrésistiblement les souvenirs. Elles surprennent, imposent leur puissance évocatrice, figent le présent qui s’efface devant les portes béantes du passé. Elles ont parfois l’évidence d’un pop-corn de salle obscure ou de l’after-shave paternel mais savent aussi être subtiles, combiner les fragrances, offrir en un flash unique une synthèse d’émotions. Alors, plusieurs jours sont souvent nécessaires à décrypter la combinaison, à ouvrir le coffre qui libère le trésor.
Elle m’a saisi alors que je visitais une cave des environs de Sancerre. Au minéral de la pierre et de la terre battue, au végétal du bois humide et du marc de raisin se mêlaient des vapeurs d’alcool ainsi qu’une note humaine mariant tissu de velours et eau de Cologne. Je n’ai rien retenu de la majesté des lieux, de la verve du propriétaire, des fûts de chêne rutilants, pas même de la subtilité du breuvage. Je cherchais, feuilletais fébrilement les albums enfouis, craignant que cette présence familière ne se dissolve brusquement dans le présent. Je guettais cet instant que j’espérais proche où le parfum libère les images auxquelles il s’attache.
J’avais soudain à nouveau dix ans et me tenais près de mon grand-père penché au dessus de trois tonneaux cerclés de fer.
Nous étions entrés presque par effraction dans ce lieu interdit dont j’imaginais qu’il renfermait de fantastiques secrets. Une énorme clef ouvrait la porte massive et toujours close. Bien sûr, j’avais à de nombreuses reprises risqué un oeil au travers de la serrure. À chaque fois, mon regard ne rencontrait qu’un clair-obscur laiteux dans lequel dansaient des particules de poussière. La fascination que m’inspirait l’endroit ne tenait en rien à son allure. C’était un simple réduit, mais qui présentait l’immense intérêt d’être interdit.
Lorsque nous entrâmes, enfin, dans un inquiétant grincement métallique, l’endroit m’évoqua davantage l’atmosphère d’une prison que celle d’une alcôve cachée préservant un trésor. Un étroit soupirail n’autorisait qu’un timide trait de lumière qui se perdait dans la poussière du sol laissant dans la pénombre les murs de pierre au trois-quarts enterrés. L’été demeurait au dehors, chassé de ce lieu qui ignorait les saisons.
Je demeurai un instant sur le seuil, frissonnant et vaguement inquiet dans la fraîcheur brusquement libérée. Je me décidai à emboîter le pas de mon guide à l’instant où il se retourna pour me conforter d’un sourire complice. Dans mes souvenirs, il était endimanché et parfumé. Nous avions quitté la table familiale en toute discrétion. ...
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