Macaques attack, roman
EAN13
9782841874514
ISBN
978-2-84187-451-4
Éditeur
Archipel
Date de publication
Collection
Roman français
Nombre de pages
288
Dimensions
10 x 10 x 2 cm
Poids
100 g
Langue
français
Langue d'origine
anglais
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Macaques attack

roman

De

Archipel

Roman français

Indisponible

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DU MÊME AUTEUR

La Protéine du Diable, Lattès, 2001

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eISBN 978-2-8098-1530-6

Copyright © L'Archipel, 2003.

1

Wes DeLachaume, sous-directeur de l'institut, me rejoignit à la ménagerie. Je nourrissais les rats. De la purée aux hormones surrénaliennes. C'étaient de vieux rats, de l'espèce brune, à la grosse tête et à la queue plus courte, Rattus norvegicu s. Depuis dix jours que je leur servais cette pâtée, ils me paraissaient plus vifs. Il faudrait que je compare les photos du jour avec celles prises au début du traitement : leur pelage me semblait bien se pigmenter de nouveau. En tout cas, leur comportement à l'égard des femelles était nettement plus agressif. Plus que le mien, en tout cas, ces derniers temps.

— Et un bon papier, un ! marmonna Wes, goguenard.

Donner des hormones surrénaliennes aux rats avait été mon idée ; Wes signerait l'article de l'American Journal of Ethology avec moi, bien sûr. Il n'en avait pas foutu une rame, mais il partagerait l'honneur de l'article avec moi, Theodore T. Tarpepper.

Dans la carrière scientifique, un papier dans un des journaux spécialisés de premier rang, comme le Journal of Ethology, c'est une promotion enviée : cinq papiers vous assurent quasiment la direction d'un institut et des fonds.

— Tu veux des vacances ? s'enquit-il, l'œil malin.

Des vacances ? Je l'interrogeai du regard.

— Cal veut t'envoyer en vacances, dit-il, avec cette nonchalance qui était censée faire partie de son charme.

Cal, c'est Caleb D. Blackmore, le patron de l'institut.

— Qu'est-ce que j'ai fait ? demandai-je d'un ton plaintif.

— Tu n'as rien fait : c'est un cadeau que te fait Cal. Un vrai cadeau. Trois semaines au Japon.

Une bagarre éclata entre deux mâles dans la cage numéro trois. Je donnai un coup du plat de la main sur le sommet de la cage. J'aurais aussi bien pu leur chanter Auld Lang Syne. Ils se jetaient l'un sur l'autre avec une rage ponctuée de petits cris, puis ils se griffaient et se mordaient férocement. Il y en avait déjà un qui saignait au cou. Je ne voulais pas perdre un de mes sujets. J'introduisis d'urgence un bâton dans la cage pour les séparer. Ils mordirent le bâton, puis reprirent leur duel de plus belle. J'en envoyai bouler un au fond de la cage et j'abattis une cloison opaque entre les deux.

Ce déchaînement de violence m'avait troublé. J'ai assisté à pas mal de bagarres entre humains dans ma vie, mais je ne supporte pas la violence chez les animaux. On m'a dit une fois que j'étais un idéaliste hégélien.

— Qu'est-ce qu'il y a au Japon ? demandai-je, méfiant.

— Un truc bizarre. Des macaques ont envahi une station de villégiature au nord de Tokyo et ils menacent de chasser les habitants. Leur comportement est devenu étrangement agressif. Cal va t'en parler.

Dans n'importe quelle organisation au monde, tous les individus sont constamment aux aguets. Ils flairent partout le guet-apens ou la bonne occasion. Les femmes hument la rivalité des autres femmes et l'hostilité sexiste des hommes, les hommes se méfient de leurs collègues et de l'instinct revanchard des femmes, tout en se tenant à l'affût de l'aubaine, par exemple une proie sexuelle qui tombe dans leurs pièges ou un rival dans leur traquenard. Comme dans la totalité du monde, les organisations prolifèrent, allez vous étonner après ça que la consommation de psychotropes légaux et illégaux augmente et que les gens se plaignent de fatigue chronique.

Wes et moi ne sommes pas vraiment rivaux ; il est sous-directeur, moi, simple chef de laboratoire à l'Institut d'éthologie de Californie à San Francisco, CIESF, un satellite de CalTech. Au début, voici deux ans, nous sortions ensemble presque tous les samedis. Il était divorcé et moi pas encore marié. Un soir, à Sausalito, je ne me suis pas suffisamment rendu compte qu'il avait une fille canon dans le collimateur. J'ai emballé la fille. Ça l'a vexé. En réalité, la fille était maquée avec un industriel de la Silicon Valley et elle avait simplement besoin d'une petite distraction ; elle n'est pas restée avec moi plus de trois jours. Wes m'a accusé de bousiller le travail.

— Cette fille, elle était du genre que j'aurais épousée ! Tu l'as dégoûtée !

Bref, une histoire de rats dans une cage.

Wes et moi ne sortons plus ensemble. Et depuis, je me méfie toujours un peu de lui. Je me suis demandé s'il ne voulait pas m'éloigner pour une raison obscure et minable.

Caleb Blackmore m'a convoqué peu après : non, l'histoire était sérieuse et il était très excité. Quand Cal est habité par une émotion, tout l'espace autour de lui s'en ressent dans un rayon de dix mètres ; il mesure un mètre quatre-vingts, pèse au moins soixante-cinq kilos et sa voix de baryton fait vibrer les verres.

— On peut considérer le phénomène sous plusieurs angles. Par exemple, l'influence de la civilisation sur le comportement des espèces vivantes environnantes. Ou encore les répercussions des changements dans l'environnement sur le comportement des mammifères supérieurs. De toute façon, Ted, c'est un quirk qui peut te valoir une histoire en or !

Un quirk est un cas pathologique qui peut éclairer sur les lois de la nature.

Peut-être, mais je n'avais pas tellement envie de partir à ce moment-là. À un certain moment d'une carrière, le travail sur le terrain devient moins séduisant qu'il l'avait paru au début, quand on était jeune et aventureux et qu'on avait envie de défricher des territoires nouveaux. Non seulement c'est plus fatigant, mais encore ça comporte des risques, des amibiases et des tas d'autres maladies qu'on traîne pendant des semaines. On est obligé de dormir n'importe où, et c'est ainsi qu'au sud de Java, j'ai dû passer un mois dans un bordel militaire, parce que c'était tout ce que j'avais pu trouver avec un toit dessus. Et les putes locales n'étaient pas de mon goût. J'ai trente-sept ans et, bien que je sois en forme, je n'ai plus envie de me doucher avec des eaux saumâtres ou franchement boueuses.

— Comment se fait-il que les Japonais sollicitent notre concours ?

— Ils se demandent, répondit Cal, s'il n'y aurait pas un facteur endocrinologique dans la modification du comportement des macaques, et ils n'ont aucun spécialiste de l'endocrinologie des primates.

En dépit de mes réserves, je ne voulais pas décevoir Cal. À l'évidence, il considérait cette mission comme une promotion. J'étais le seul du labo à avoir travaillé sur les primates. J'avais trouvé le premier l'effet des perceptions olfactives sur leur structure sociale par le relais de la sécrétion endocrinienne. C'est ainsi que l'odorat des jeunes chimpanzés femelles finit par se saturer de l'odeur des mâles environnants et qu'une fois parvenues à maturité elles n'éprouvent aucune appétence sexuelle pour eux, puisqu'elles ne peuvent littéralement pas les sentir. L'absence d'inceste chez les mammifères supérieurs n'est donc pas due à un tabou « moral » ou à aucune « loi naturelle », mais simplement à un phénomène olfactif. Ces femelles quittent ainsi la tribu pour aller fonder une famille dans un autre territoire, où l'odeur inconnue des mâles déclenche l'œstrus.

— Mais qui va s'occuper de mes rats ?

— Nitta connaît le protocole, elle s'en occupera à votre place. Mais c'est vous qui rédigerez l'interprétation des mesures et le papier, ne vous inquiétez pas. Si un animal meurt, elle effectuera les prélèvements. Elle est notre meilleure manipulatrice. De toute façon, vous ne serez pas absent plus de quinze jours, trois semaines.

— Vous savez que je ne parle pas japonais... dis-je dans une dernière tentative de me défaire de cette mission.

— Ted, au Japon, presque tout le monde parle anglais. Surtout dans les milieux scientifiques. Nous avons occupé le pays, vous vous rappelez ? Bon. J'ai téléphoné à Tokyo. Le Département d'éthologie de l'Université vous déléguera une fille qui parle très bien l'anglais. Ils ont déjà envoyé une équipe sur place. On vous attendra à...
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